Rencontre avec le Cercle Paul Bert de Bréquigny

Florian Le Bars (FLB) : Rodolphe Le Clerc, bonjour !

Rodolphe Le Clerc (RLC) : Bonjour !

FLB : Pouvez-vous tout d’abord vous présenter pour commencer cet entretien ?

RLC : Je suis le responsable du développement du football féminin au Cercle Paul Bert, sur les différents quartiers sur lesquels on intervient, à savoir Bréquigny qui est le gros pôle du foot féminin, mais également les Gayeulles et Villejean qui sont en progression et d’autres quartiers aussi sur lesquels on essaie d’intervenir, comme le Blosne, le Nord-Ouest et Cleunay.

FLB : On va commencer « sans échauffement », même si ce n’est pas très conseillé dans la pratique sportive… Est-ce que vous considérez qu’il y a un foot féminin et un foot masculin ?

RLC : Effectivement, on n’a pas les mêmes caractéristiques en termes de personnes, on a une ancienneté qui est différente aussi et donc un développement qui est différent sur les pratiquantes. Le foot féminin, c’est relativement jeune, il s’est développé en France à partir des années 1970, donc si on fait le compte, on a pratiquement 60 ans de retard sur le foot garçon. On est en train de le rattraper. Alors, est-ce qu’il est différent ? Chacun aura son appréciation, moi je pense que oui car on a des populations différentes, on n’a pas les mêmes caractéristiques, que ce soit d’encadrement ou d’objectifs, que ce soit en termes de développement, et puis on n’a pas les mêmes coachs. Tout cela fait qu’effectivement cela peut être un football différent.

FLB : On va essayer de dresser avec vous ce panorama. Vous parlez du retard accumulé par le foot féminin par rapport à son voisin masculin : pourtant historiquement le CPB s’inscrit depuis longtemps dans cette thématique du foot féminin ?

RLC : Oui, bien sûr, sur le Cercle Paul Bert et notamment Bréquigny, on a développé et mis en place des choses qui font que nous, sur le club, on est à même niveau que le foot garçon, voire en avance sur certains aspects, en retard sur d’autres effectivement. Par contre si on prend d’un point de vue global, il y a une différence encore.

FLB : sur quoi êtes-vous en avance par rapport aux garçons ?

RLC : Par exemple sur l’aspect performance, ou sur le développement des sections sportives notamment. Ça fait 4 ans qu’on les a mises en place au niveau du collège et du lycée de Bréquigny. Donc on offre à certaines jeunes filles, celles qui rentrent en section, plusieurs séances d’entraînement dans la semaine, à savoir que les collégiennes ont trois séances en plus de perfectionnement, en plus des séances club, et les lycéennes ont en tout 6 séances par semaine. Là on est sur l’aspect performance.

La section sportive garçon du CPB Bréquigny, par exemple, en collaboration avec nos collègues de la TA Rennes, a ouvert cette année.

FLB : Mais c’est une façon de remplir un manque sur le foot féminin où il n’y a pas de club « locomotive », au stade rennais par exemple, qui aurait pu prendre en charge cet aspect performance ? Vous remplissez ce vide-là ?

RLC : Oui, on essaie en tout cas d’être en avance et d’avoir un « parcours performance » sur Rennes au niveau du foot féminin. Le stade rennais est en train de s’y installer, à nous et à eux de voir comment on peut travailler ensemble pour que les deux puissent s’y retrouver. Mais effectivement il y avait un gros créneau parce qu’il y a du monde, il y a des joueuses de foot sur l’Ille-et-Vilaine qui demandent ça. Il fallait s’insérer dans ce créneau pour leur proposer ça.

FLB : En 2019, Rennes a accueilli la coupe du monde féminine. Vous avez senti un engouement ou est-ce que ça a été un feu de paille et tout est retombé depuis ?

RLC : C’est difficile de faire un point par rapport à ça, perce qu’il y a les événements des dernières années qui ont dû jouer, la pandémie, le COVID, forcément ça a joué. On a eu du mal à surfer dessus et la coupe du monde est un événement très fédéral, ce ne sont pas forcément les clubs qui l’ont portée. Du coup est-ce qu’il y a eu des retombées ? Je ne sais pas. Nous à Bréquigny on avait du monde, on a toujours eu du monde, on aura encore du monde, on n’a pas vu d’impact par rapport à ça. Est-ce que dans les petits bourgs, les petits clubs, les villages à côté il y a eu du développement ? Je pense que oui, ça se voit au niveau du nombre d’équipes qui s’inscrivent, au niveau du nombre de pratiquantes. Nous sur le Cercle Paul Bert, ça ne nous a pas impacté directement.

FLB : Ça a fait du bien malgré tout au Cercle Paul Bert au niveau des partenaires avec lesquels, ensuite, vous pouvez travailler ?

RLC : Oui, ce sont des joueuses qui peuvent me rejoindre plus tard. Et le niveau de pratique augmente : plus il y a de joueuses, plus le niveau est intéressant. A nous de développer ça pour que le foot féminin progresse encore, soit de plus en plus homogène, et de plus en plus homogène vers le haut niveau.

FLB : Et ce foot féminin on en parle avec vous aujourd’hui, Rodolphe Le Clerc, en charge de la section féminine ici au CPB. Les femmes dans le foot sur le terrain, vous le dites, il y a un engouement, des sections qui grandissent selon les quartiers, c’est vrai ici à Brequigny, c’est vrai aussi sur les Gayeulles, à Villejean, des quartiers populaires. Ça rejoint l’image qu’on a du foot ? Le sport populaire par excellence ?

RLC : Je pense oui. Tout le monde connait, tout le monde pratique, que ce soit en club ou pas. On essaie de le développer, avec des ateliers dans les écoles. C’est là où le partenariat avec la Ville de Rennes est important, primordial. Nos partenariats avec la ligue ou le district aussi, sur les cycles « balle au pied » qu’on peut mettre en place dans les écoles. Oui, le foot est populaire, oui ça touche tout le monde, oui c’est facile d’accès. A nous de poursuivre sur cette voie pour proposer à toutes les jeunes filles qui veulent essayer, qui veulent s’y inscrire ou continuer, d’avoir des créneaux pour elles.

FLB : Et vous travaillez dans les écoles, vous le dites. Il y a toujours des remarques comme quoi les filles ne doivent pas jouer au foot dans les cours d’écoles, de la part des garçons ou autres ?

RLC : Non, là cette année par exemple, je suis sur deux ateliers de foot le midi, un exemple concret hier : on fait un jeu d’échauffement et coup de bol, ce sont deux garçons qui gagnent, donc ils font les équipes et il y en a un qui, pour le premier choix qu’il fait, choisi une fille. Donc voilà, il y a de moins en moins de pensée négative par rapport à ça. Je pense que les garçons sont éduqués à ça de plus en plus. Alors il y a toujours des comportements, si ce n’est déviants, un peu particuliers, mais de moins en moins.

FLB : Alors ça c’est vrai pour les jeunes générations mais est-ce vrai aussi pour les parents, qui sont parfois plus turbulents que les enfants ?  

RLC : oui, on voit la chose différemment. L’accompagnement des parents dans le foot féminin est un peu différent de ce qu’il peut être chez les garçons. Il y a moins d’emprise, les parents sont plus spectateurs.

FLB : Comment vous l’expliquez ce phénomène ?

RLC : Je pense qu’il faudrait appeler des parents et leur demander…

FLB : Les parents de jeunes footballeurs se projettent plus dans une carrière professionnelle par exemple ? Ils ont plus d’attente dans ce sens-là ?

RLC : Non, je pense qu’ils sont peut-être plus détachés avec leur fille qu’avec leur fils, et du coup, sont plus dans l’observation de la pratique. Alors est-ce que dans leur pensée les plus profondes il y a l’envie d’en faire un futur M’Bappé ? Peut-être. Je ne pense pas que ça touche la grande majorité des personnes, il y a peut-être aussi de la méconnaissance par rapport au football féminin, et c’est différent d’appréhender un groupe de garçons qu’un groupe de filles. Il y a donc peut-être de la méconnaissance et la peur de mal faire.

FLB : Ça veut dire que pour vous, en tant qu’éducateur, c’est plus facile d’entraîner des filles que d’entraîner des garçons, en tout cas sur ce volet-là de relation avec les parents ?

RLC : Je ne sais pas, moi ça fait 10 ans que j’entraîne des filles et ça se passe très bien, alors je ne me pose pas la question.

FLB : Et vous continuer à le faire avec des résultats. Sur ce volet d’aspect foot pro, il y a des attentes, malgré tout, chez les parents de footballeurs et de footballeuses. Est-ce qu’il y en a de plus en plus dans le foot féminin ? Est-ce que le fait de voir du foot féminin à la télé, des joueuses qui vivent aujourd’hui de ce sport, ça donne des idées aux jeunes filles qui débutent le foot ?

RLC : Oui bien sûr. Alors pour celles qui débutent je ne sais pas, mais pour celles qui sont au collège ou qui arrivent au lycée, oui, bien sûr. Notamment parce que la filière d’accès au haut niveau et au très haut niveau est beaucoup plus courte : on peut avoir débuté le foot à 13 ou 14 ans, avoir une ou deux qualités fortes et vite monter dans les échelons. Il y a un parcours d’accès qui est plus simple chez les filles, il y a moins de concurrence, moins de divisions, moins de niveaux, donc on monte plus vite en compétences et en difficulté dans les championnats. Donc bien sûr il y en a qui s’y projettent. Maintenant à nous de les ramener sur terre et de leur faire comprendre que même en D1 féminine, tout le monde n’est pas pro, même en D2 féminine dans les clubs professionnels, tout le monde n’est pas pro. A nous de les informer sur comment ça marche, et le travail qu’il faut encore accomplir parce que même si on est professionnelle chez les filles, chez les femmes on doit penser à l’après carrière. Et la scolarité, le parcours de vie restent une priorité pour nous.

FLB : C’est le métier de l’éducateur ça finalement ? D’éduquer plus à la vie qu’au foot ?

RLC : Oui, bien sûr. Et en tant que parent, on a ça aussi en réflexion au quotidien. Peut-être que les éducateurs plus jeunes n’y pensent pas mais moi j’ai cette petite musique qui est là. Et j’ai eu la chance de côtoyer des filles qui sont d’un très haut niveau, qui ont joué en équipe de France et qui ne touchent pas des mille et des cents. Après échange avec ces personnes-là on pense à la suite.

FLB : Comment on fait pour que le sport reste malgré tout un plaisir, quoi qu’il arrive, peu importe le niveau ? Est-ce qu’on est vigilant à ça ?

RLC : ça dépend de chacun, je pense. Je sais que, si je prends mon cas personnel, j’ai du plaisir quand c’est difficile et quand il y a du travail. Untel et untel vont peut-être avoir du plaisir en jouant avec les copains et les copines et qu’il n’y a pas de contraintes, d’autres vont prendre du plaisir quand il va falloir s’entraîner 6 ou 7 fois par semaine. Dans les profils qu’on cible et les propositions d’équipes qu’on a, on essaie d’orienter les jeunes filles vers la bonne pratique.

FLB : De la performance mais au service du plaisir ?

RLC : Oui, c’est ça. Soit un foot loisirs, soit un foot performance, ce qui n’empêche pas, ensuite, dans le foot loisirs d’être performant et de bien faire les choses.

FLB : Autour du terrain également, les femmes sont-elles de plus en plus présentes ? Dans l’encadrement, par exemple, pour prendre en charge une équipe ?

RLC : Oui, alors pour les dirigeantes on a encore pas mal de travail à faire. La Fédération met en place des formations de dirigeantes, à nous d’orienter les mamans, notamment, vers ça. Pour les éducatrices, on travaille aussi beaucoup dessus, je pense que c’est le gros point de développement qu’on doit avoir, nous, pour les prochaines années. On en a quelques-unes, ponctuellement, sur le Cercle Paul Bert, qui s’y inscrivent mais il faut que ce soit, non pas une obligation, mais une volonté de la part des jeunes, qu’elles se construisent sur ce parcours d’éducatrices. Sur les sections sportives, les filles sont en formation chaque année, elles passent des modules, des diplômes, on les envoie sur l’école de foot pour nous accompagner pour animer les séances. A nous de créer ces vocations chez les jeunes filles pour qu’elles deviennent des éducatrices, et que derrière elles deviennent des entraîneurs et qu’on puisse avoir des filles qui entraînent des filles et des filles qui entraînent les garçons. Parce que je pense que la force est là, l’intérêt est là, qu’il y ait de la mixité et de la transversalité entre le foot garçons et le foot filles.

FLB : Y a-t-il des transversalités qui sont encore difficiles aujourd’hui ? Est-ce que les garçons auraient du mal encore à avoir une coache féminine ?

RLC : Je pense que l’intérêt est sur le niveau de compétences, tout simplement. Il y a des garçons qui ont pu être réticent à venir sur du football féminin, on en a quelques exemples chez nous. Maintenant qu’ils y sont, ils sont très contents et n’ont pas forcément envie de repartir chez les garçons, ils ont trouvé leur rythme et leur population. Chez les garçons, le problème est plus de trouver la bonne personne, la bonne éducatrice qui sera en mesure de driver un groupe de garçons, ce qui n’est pas évident quand on est, notamment au Cercle Paul Bert, sur des groupes d’adolescents de 14/15 ans … Quand on a un groupe d’une quarantaine de gamins et qu’on est une fille, comment est-ce qu’on fait ? C’est à nous de les accompagner et de les construire par rapport à ça et il faut aussi que ce soit une volonté de la part de l’éducatrice, qui a aussi peut-être plus de connaissance du football féminin que du football masculin. Il faut être en mesure de les former sur ces deux aspects.

FLB : Mais c’est plus difficile de prendre en charge un groupe de 40 jeunes pour une femme que pour un homme ?

RLC : Il y a forcément les représentations qui jouent, après il y a une question d’autorité aussi qui est présente. Je pense que pour une femme avec de l’expérience, qu’on va accompagner, et dont on sait qu’elle peut gérer des groupes de garçons, il n’y a pas de souci.

FLB : un mot également, parce que l’on parle des équipes et des joueuses, sur le terrain, et des encadrants et encadrantes autour, mais sur l’arbitrage ? On a l’exemple, en Ligue 1, de Stéphanie Frappart, arbitre professionnelle qui évolue en Ligue 1, qui prend souvent des torrents d’insultes suite à ses prestations. Est-ce que vous pensez que c’est dû à son statut de femme arbitre ?

RLC : non, je pense qu’il y a autant d’arbitres garçons qui prennent des volées, c’est juste qu’on les remarque plus facilement quand ce sont des femmes, on veut les faire remarquer. Si on veut que ça se passe bien il faut plutôt les encourager. Les réactions des coachs de Nice et Nantes sur sa nomination pour la coupe de France sont hyper intéressantes par rapport à ça. Mais elle est toute seule et on la juge, elle toute seule par rapport à une vingtaine d’arbitres garçons, quand elle fait une erreur c’est une pour une, quand un arbitre garçon fait une erreur, c’est une pour 20 arbitres. Le rapport n’est pas le même. A nous d’encourager les femmes pour ça, de ne pas faire en sorte qu’elles soient promues sur des niveaux où elles ne méritent pas d’être. Il faut arbitrer à son niveau et si elle le mérite, il n’y a pas de souci par rapport à ça.

FLB : Et cette question de l’arbitrage, est-ce qu’elle attire les jeunes filles aujourd’hui ?

RLC : La fédération aura plus de réponse à vous donner que moi. Nous, au club, on a deux jeunes arbitres qui sont intéressées par ça, qui font bien leur travail, en qui on a confiance, qu’on essaie d’accompagner autant qu’on peut avec le temps et les missions qu’on peut avoir. Il y a aussi une philosophie qui est différente entre une femme et un homme sur l’arbitrage. A nous de faire comprendre aux joueurs et aux éducateurs qu’on a, qu’un arbitrage féminin peut aussi être intéressant, dans la gestion des conflits par exemple, ou la prise de décision qui peut être bien plus positive que des hommes des fois.

FLB : Vous avez évoqué cette situation dans la cour d’école, où un garçon était capitaine d’équipe et qui devait construire son équipe. Il a choisi en premier une fille, et c’est vrai que ça raisonne forcément avec des souvenirs qu’on a et qui n’étaient pas forcément les mêmes il y a plusieurs années de ça maintenant. Est-ce que la pratique mixte peut être une solution pour faire émerger encore plus facilement le foot féminin ?

RLC : Il faut aller vers ça mais il faut que ce soit en accord avec le niveau de pratique des filles. C’est-à-dire que mettre des filles dans une équipe de garçons, si elles restent sur le côté, que les garçons ne s’intéressent pas à elles et qu’elles ne touchent pas un ballon, ça aura un impact négatif. Il faut toujours se trouver dans le bon groupe. Des filles qui ont un bon niveau de pratiquent et qui jouent avec des garçons, il n’y a pas de souci, ça matche bien. Nous, au Cercle, on a une équipe de filles qui joue contre les garçons, c’est aussi une forme de mixité. On essaie de le mettre en place de plus en plus, on le fait au niveau des sections sportives sur une séance hebdomadaire où filles et garçons sont mélangés, et c’est accepté par tout le monde. Chez les plus jeunes, c’est plus difficile à mettre en place, c’est au ressenti de chaque jeune fille et des garçons aussi, parce qu’il ne faut pas forcer la chose quand on a des enfants qui ont dix ans de moins, sur la mixité. Ca peut être un groupe de filles dans une séance de garçons, ça peut être déjà une étape dans la mixité. Il y a des questions à se poser par rapport à ça, je vous avoue qu’au Cercle on se les pose tous les ans et qu’on change notre fusil d’épaule régulièrement… On a aussi des familles qui viennent avec des jeunes filles qui ne veulent faire du foot qu’entre filles. Alors qu’est-ce qu’on leur dit ? Est-ce qu’on leur dit non parce que l’on vise la mixité ? Est-ce qu’on leur propose quand même quelque chose ? Il faut peser le pour et le contre, et à nous de trouver le meilleur moyen d’organiser tout le monde.

FLB : Et c’est un gros boulot, on l’imagine, parce que les plannings sont déjà bien chargés entre tous les plannings du CPB… donc quand on doit créer des passerelles entre les équipes, comme ça, ça complique encore plus les choses ?

RLC : Oui, c’est une politique de club à mettre en place. Il faut faire de la place à tout le monde. A nous, éducateurs, à moi, responsable du foot féminin, de pouvoir échanger avec les garçons, de leur montrer l’intérêt de ça, s’il y en a un, et de leur faire comprendre que pour pas mal de chose ça peut aussi les avantager, leur rendre service, … Eduquer les garçons différemment peut être, que ce soit au niveau de la civilité mais aussi sur la pratique du foot, parce que la mixité engendre des problématiques foot pour les garçons, donc ça peut aussi être un apprentissage différent.

FLB : Lesquelles ? Quelles problématiques ?

RLC : Des réflexions sur une adversité qui va être différente, peut être moins athlétique, peut être plus réfléchie. Et forcément une adaptation en termes d’engagement, en termes de réflexion qu’ils vont avoir.

FLB : Donc ça fait progresser tout le monde ? Finalement c’est du donnant-donnant ? C’est ce que vous essayez de faire quand vous mettez en place ces pratiques ?

RLC : C’est l’objectif, oui.

FLB : Un dernier mot, parce qu’avec tout ce que vous nous expliquez aujourd’hui, on comprend quelque chose, c’est que vous êtes aussi le fruit de l’éducation des enfants que vous éduquez à travers le football ? Le football ne peut pas tout régler ?

RLC : Non, bien sûr que non, parce qu’on a les enfants que quelques heures par semaine autour d’un loisir. L’événement de l’entrainement, l’encadrement tourné vers ça, l’objectif de jouer au ballon adoucit un peu la chose et fait que tout le monde est tourné vers un objectif commun.

FLB : C’est plus facile de faire passer des messages dans ce cadre-là qu’à l’école par exemple ?

RLC : Largement. Ou que dans la famille, ou que dans la vie de tous les jours, ça c’est sûr.

FLB : C’est un des beaux rôles du football effectivement. Combien de filles aujourd’hui jouent et évoluent au CPB ?

RLC : Sur Bréquigny on est à peu près à 120 filles, et on doit être entre 200 et 250 sur tout le Cercle.

FLB : Ça fait du monde à encadrer et beaucoup de plannings de terrains à organiser. L’objectif, à long terme, c’est quoi ? De continuer à conserver ce savoir-faire, cette pratique ?

RLC : Oui, bien sûr. On essaie de pousser les murs un tout petit peu à chaque fois, dans les discussions qu’on a avec la Ville ou avec le club pour une égalité de traitement entre les garçons et les filles. Il faut occuper tous les espaces, c’est certain, et c’est ce qu’on a fait avec les sections sportives où on propose aux lycéennes 5 séances hebdomadaires, les collégiennes en ont trois en plus, … Il faut réussir à investir les filles sur l’entraînement : quand il y a une séance elles sont présentes sur une séance, quand il y en a deux, il faut qu’elles soient présentes sur les deux, quand on en propose trois il faut qu’elles soient présentes sur les trois, parce que s’il y en a trois et qu’elles sont présentes sur deux on a perdu notre challenge ! On doit essayer de les engager sur ces parcours-là avec une pratique de plus en plus complète, de plus en plus efficace également.

FLB : Et aujourd’hui, vous en tant que responsable de la section féminine, la réussite c’est quoi ? De voir une joueuse qui va émerger au niveau pro, en équipe de France ? Ou c’est de voir une jeune joueuse qui va revenir chercher sa licence l’année suivante ?

RLC : Les deux ! Parce qu’on doit s’occuper de tout le monde. Effectivement, si on est sur les filles qui montrent l’exemple, qui sont les têtes d’affiches, les joueuses qui sont en équipe de France ou qui partent dans des clubs pro, qui vont jouer en première ligue féminine, c’est intéressant. Ca prouve qu’on a fait du bon travail avec elles avant. On a notre équipe U19 Nation qui est en passe de se maintenir donc ça va être l’objectif, aussi, de pérenniser les équipes à haut niveau. La R1, qui jouera les barrages au mois de juin et qui est susceptible de monter en D2. Donc ça ce sont nos têtes d’affiche. Et après, effectivement, toutes les joueuses qui, d’une année sur l’autre, reprennent leurs licences, les joueuses qui sont à l’extérieur du club et qui viennent au club pour jouer parce qu’elles en ont entendu parler en bien, tout ça on prend également. Une gamine qui a le sourire à la fin de son match, à la fin de sa séance et qui reprend sa licence pour l’année d’après, je crois que c’est la priorité.  

FLB : On a le souvenir aussi des joueuses du CPB qui s’étaient illustrées en coupe de France, en enlevant le short, ça avait fait beaucoup de buzz à l’époque. Ça représente bien la philosophie que vous défendez ? Il y a un côté militant derrière le fait d’armer les filles à faire du foot ?

RLC : Oui, bien sûr. C’est porté par le club, c’est porté par les filles aussi et je pense qu’il faut leur rendre hommage pour ça, ça a fait bouger les lignes puisque la dotation de la fédération l’année prochaine sera complète. On a vu qu’il y avait un changement des dotations aussi au niveau des clubs, en termes d’argent. Donc tout ça c’est positif. Est-ce que c’est grâce à nous ? Peut-être. Est-ce que c’est grâce aux filles ? Peut-être, sans doute. Je pense que c’est aussi une façon de montrer qu’elles sont actives et actrices de leur projet. Et ça c’est important, parce que ce n’est pas moi, le responsable, ni les coachs, ni les dirigeants qui portent ça mais ce sont les filles d’abord qui portent leur projet.

FLB : Rodolphe Le Clerc, merci beaucoup.

RLC : Merci